Nous étions samedi, le soleil brillait à chaque bout de nos 600 kilomètres de distance, la liaison était capricieuse car Stéphane appelait depuis sa voiture, et le dictaphone tressautait à chaque scritch-scratch. L’objectif étant qu’il raconte son parcours afin d’en rédiger son portrait. C’était rieur comme toujours avec Stéphane, riche d’anecdotes et parfaitement lumineux. Micro.
« Ce que j’aime dans la facilitation, c’est repérer en quoi le travail qu’on a fait autour d’un objectif va atteindre un second objectif, pas forcément dit, qui est l’impact sur les relations entre les personnes. »
Voilà le décor est planté.
Membre de l’équipe coeur de IAF France, pleinement engagé dans le programme #FranceFacilitationbyIAF, Stéphane Terreaux est toujours très sensible en l’humanité qui est au cœur de nos métiers. On a eu envie de lui faire raconter son histoire en prélude au OFF de mercredi prochain (le 31 janvier) sur les constellations d’organisation.
16 ans dans les métiers techniques
Tout commence par une école d’ingé. Un peu par hasard. « J’ai fait une prépa parce qu’un prof m’avait dit que je pouvais le faire. Puis j’ai passé le concours de Supélec que j’ai eu. Mais je ne savais pas plus que ça ce que j’avais envie de faire en vrai… » Stéphane habite en Lorraine, où la sidérurgie est un gros employeur des métiers techniques. C’est donc dans ce secteur qu’il commencera à bosser à la fin de ses études, en R&D tout d’abord, puis en automatisation industrielle. jusqu’à ce qu’il se pose des questions. « À un moment, j’ai commencé à me dire, oui mais bon quoi… Qu’est-ce que je fais là ? À quoi ça ressemble tout ça ? À quoi ça sert ? »
La période n’est pas très « confortable », les années passent, cela fait maintenant seize ans qu’il travaille dans un milieu technique et industriel. Et là, Stéphane amorce un premier grand virage professionnel ; il quitte la sidérurgie pour intégrer une association caritative (le Secours Catholique), où il a la charge d’animer une délégation départementale, avec une petite équipe de salariés et près de 700 bénévoles. « C’était totalement inattendu parce que j’avais tout imaginé sauf un métier de ce type-là ! J’avais imaginé des énergies renouvelables, j’avais imaginé des choses techniques… »
Et non seulement il s’éclate au Secours Catholique, « un grand bain d’humanité » comme il dit parfois, mais c’est aussi là qu’il va découvrir la facilitation, « sans savoir que ce que je faisais s’appelait comme ça ! »
Premiers pas en facilitation
Car dans l’asso, il existe une journée qui s’appelle le Conseil d’animation, une réunion des représentants du réseau qui se tient tous les trois mois. « C’était une journée très descendante, avec un ambiance un peu lourde de fait, et que personne n’aimait vraiment… » L’envie de faire autre chose existe dans l’asso mais personne ne sait vraiment par quel bout prendre les choses. Stéphane fait mûrir sa réflexion, et deux ou trois ans plus tard, « j’ai dit ça y est, je sais ce qu’on veut faire. Et c’est là que j’ai commencé à devenir facilitateur… J’ai construit des journées où les gens participaient, fait en sorte que ça puisse fonctionner avec des gens très très différents les uns des autres. »
Les années passent là encore, près de dix, il a des temps fastes, et d’autres plus difficiles « parce qu’il n’y a aucun métier facile ». Stéphane commence à se poser des questions, à s’interroger sur ce qu’il aime faire. « Quand j’animais ces journées avec 20, 30, 40 personnes, j’étais heureux en en ressortant, je m’éclatais, j’étais vivant. J’étais vivant… » Nous sommes en 2016, Stéphane est dans une période plutôt difficile, de doutes, de questionnement. « Je marchais avec ma femme dans un bois près de chez nous, on discutait (on discute beaucoup beaucoup avec ma femme), et à un moment, je prononce les mots “intelligence collective”. Je m’arrête. Mais oui, bien sûr. C’est ça ! »
Une histoire de convergence
« Et là je savais en fait. Je savais ce que je voulais faire plus tard. Je savais pas du tout à quoi ça ressemblerait, je savais pas quoi, comment, qui, quoi, je savais rien. Mais je savais juste que ça s’appelait comme ça. »
Ce moment reste marquant pour Stéphane, et à partir de là, tout devient en quelque sorte plus facile. Son épouse, qui était déjà coach et un peu thérapeute, l’aide beaucoup. « Elle m’a dit, tout ce que tu fais maintenant, fais-le parce que c’est ton job, mais aussi fais-le en te demandant : en quoi ça contribue à ce projet et en quoi je contribue au système ? »
Stéphane ne sait toujours pas exactement ce que recouvre le terme de facilitation mais il sait que c’est vers ça qu’il se dirige. Et en 2017, il commence à se former à l’intelligence collective et à la facilitation, tout en continuant le parcours qu’il avait déjà entamé sur l’écoute, le dialogue, l’Ennéagramme, la PNL… « Finalement, tout un tas de choses convergeaient »
D’autant que c’est également en 2017 qu’il prend la présidence d’un tout nouveau projet citoyen sur Pont-à-Mousson, PAMbio [NDLR : qu’il faut veiller à écrire avec cette exacte graphie car sinon, Stéphane corrige]. Une épicerie bio, et animée, en gouvernance partagée. « Le côté gouvernance partagée m’intéressait énormément ! Je me suis formé à la sociocratie, etc. Et c’est absolument dingue parce qu’en fait, grâce à PAMbio, je suis devenu entrepreneur avant d’être entrepreneur. C’est comme si quelque chose se tissait autour de moi pour m’aider à devenir entrepreneur. »
Le lancement
En effet, une réorganisation a été décidé au sein du Secours Catholique, son poste va être fusionné avec son homologue, « et donc là je dis, je ne suis pas candidat, c’est mon heure… Cela fait près de deux ans que je sais à peu près où je veux aller, même si je ne sais pas sous quelle forme, alors j’y vais ! »
Stéphane reste donc encore un an dans son organisation, en se mettant à son service pour faciliter les rencontres et la transition. Il endosse véritablement son futur métier. « Ça a été une expérience superbe de partir en construisant la suite avec l’équipe tout en m’entrainant à la facilitation professionnelle. »
Stéphane devient officiellement facilitateur en intelligence collective indépendant. Au début, il consacre beaucoup de temps à PAMbio qui vient juste de démarrer, tout en envoyant à tout son réseau pro un message « je pars pour une nouvelle aventure, voilà ce que ça veut dire pour moi… »
Dans les premiers retours, un ancien collège du Secours Catholique qui le sollicite « pour un truc qui m’a fait drôle. Un atelier d’1h30, sur un sujet clivant, pour… 400 personnes… »
Bien entendu, Stéphane s’en débrouille parfaitement bien et en fait une magnifique aventure. « Il fallait être imaginatif parce que je ne pouvais pas à moi tout seul animer 400 personnes d’un coup. Et en fait le résultat était génial ! C’était une de mes premières prestations facturées, et ça commençait fort ! »
Les choses s’enchaînent très vite ensuite, il va très rapidement, grâce à son réseau, être sollicité par des collectivités locales pour des formations « et même si c’est un secteur que je ne connaissais pas à la base, aujourd’hui, elles constituent la majorité de ma clientèle. »
La puissance du collectif
Stéphane travaille sur des projets très divers. Il a compris que ses clients ignorent souvent ce qu’est la facilitation, et qu’ils viennent vers lui parce qu’ils ont avant tout un besoin de travailler en mode collectif. « Je me souviens de cette personne de l’Assemblée du Conseil local de santé mentale à Reims. Il ne cherchait pas un facilitateur mais quelqu’un qui sache réunir 70 personnes qui ne s’étaient pas rencontrées depuis quatre ans, en en faisant un moment de qualité mais aussi efficace avec des objectifs finaux. »
L’intelligence collective est à la base du travail de Stéphane mais aussi les relations qui se créent grâce à cette expérience collective. « Les personnes, elles, apprennent à se connaître. Au-delà de l’objectif explicite. Et c’est extrêmement puissant comme impact, se connaître, comprendre comment on fonctionne, et découvrir qu’on peut travailler ensemble. Et que quand on travaille ensemble, non seulement ça marche, mais c’est bien. Et ça, j’aime beaucoup. »
Et cette vision du collectif, Stéphane la vit également en ayant rejoint l’IAF et le programme #FranceFacilitationbyIAF. « Faire travailler les gens en intelligence collective, c’est bien, c’est encore mieux quand on est nous-mêmes une intelligence collective ! » Et donc pour lui, l’IAF c’est ça, se mettre en réseau, pouvoir échanger sur des pratiques, et même parfois travailler ensemble…
« Et puis je crois beaucoup qu’aider les collectifs, c’est quand même pas si facile, et qu’il faut s’entraider et s’accompagner les uns les autres pour développer la compétence et savoir parler de notre métier. Et tout ça je le retrouve dans différents endroits, dont celui-ci. »
Pour en savoir plus sur Stéphane : https://hestere.co




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